Sur l'île de Marajó au nord du Brésil, les membres d'une modeste famille survivent dans un contexte qui se révèle peu à peu oppressant d'autant plus que le danger, notamment pour toutes les femmes de la famille, ne se trouve pas seulement qu'à l'extérieur.
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Comment dénoncer une réalité sociale particulièrement éprouvante et durablement destructrice pour des enfants appelés à se confronter au monde adulte ? Mariana Brennand quitte l'approche exclusivement documentaire de ses précédents films pour réaliser un film de fiction s'appuyant sur une réalité sociale dont les crimes se perpétuent d'autant plus à grande échelle que ceux-ci sont perpétrés dans une zone de non droit où les pires horreurs du patriarcat sont possibles.
La cinéaste a construit son récit en associant les divers témoignages des personnes victimes sur cette île de Marajó de viol, d'incestes et d'un système d'oppression misogyne organisé. Le scénario s'inscrit ainsi dans une volonté de documenter au maximum un récit pour rappeler en permanence que le drame vécu par la jeune protagoniste du film n'est pas isolé.
L'approche des scènes les plus violentes subies est mise en scène avec subtilité en laissant hors-champ l'horreur dont les conséquences sont explicites dans le quotidien de la jeune fille. En aucun cas la réalisatrice ne cherche à faire violence au public pour le confronter à des situations inacceptables. Il ne s'agit donc pas de construire une figure de monstre pour trouver un défouloir incarné de l'horreur mais bien plutôt de décrire avec une grande finesse toute une organisation sociale qui banalise le mal tout en le perpétuant.
Ainsi, la jeune héroïne rencontre plusieurs figures féminines adultes dans lesquelles ne se trouve pas nécessairement une empathie, qu'il s'agisse du personnage complexe de sa mère ou encore de l'épicière ou de la pasteure de l'église évangéliste. Ainsi, qu'une jeune fille de 12 ans soit enceinte ne choque pas cette communauté religieuse qui bannit l'éducation sexuelle. Dans une approche documentaire particulièrement dense de la réalité filmée, Mariana Brennand construit un dossier à charges aussi saisissant qu'efficace sur une zone de non droit où le mouvement de dénonciation numérique #MeToo n'a pas pu émerger.
La mise en scène avec une caméra sans cesse en mouvement au plus proche de sa protagoniste n'est pas éloignée du meilleur des partis pris du cinéma des frères Dardenne, présents sur ce film en tant que producteurs associés. Comme dans Rosetta (1997), Manas décrit aussi les conséquences de la précarité de sa protagoniste pour mieux suivre la possibilité d'un chemin salutaire quand il ne s'agit pas seulement d'une modeste entreprise de survie.
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Manas
de Mariana Brennand
Fiction
101 minutes. Brésil, 2024.
Couleur
Langue originale : portugais
Sortie nationale (France) : 26 mars 2025
Avec : Jamilli Correa (Marcielle / Tielle), Fátima Macedo (Danielle), Rômulo Braga (Marcílio), Dira Paes (Aretha), Emilly PantoJa (Carol), Samira Eloá (Cynthia), Enzo Maia (Marcéu), Gabriel Rodrigues (Danílio), Ingrid Trigueiro (Jaci), Clébia Souza (Dona Maria), Nena Inoue (la pasteure), Rodrigo Garcia (Faguinho)
Scénario : Felipe Sholl, Marcelo Grabowsky, Marianna Brennand, Antonia Pellegrino, Camila Agustini et Carolina Benevides
Images : Pierre de Kerchove, ABC
Montage : Isabela Monteiro de Castro, ABC
Son : Valéria Ferro
Décors Marcos Pedroso
Costumes : Kika Lopes
Maquillage : Luiz Gaia
Chef opérateur son : Miriam Biderman, ABC
Ingénieur du son : Ricardo Reis, ABC
Mixage : Armando Torres Jr., ABC
Production : Carolina Benevides et Mariana Brennand
Coproduction : Luís Galvão Teles, Beto Gauss, Francesco Civita
Production associée : Jean-Pierre et Luc Dardenne, Les Films du Fleuve, Delphine Tomson,VideoFilmes, Maria Carlota Bruno,Walter Salles, Dominique Welinski, Marcelo Pedrazzi, Braulio Mantovani, Felipe Sholl, Marcelo Grabowsky
Distributeur (France) : Bodega Films