Querido Trópico révèle deux portraits de femmes que tout oppose. Mercedes, âgée et sénile, incarne la figure de la matriarche bourgeoise despotique. De l’autre côté, Ana Maria est une immigrée colombienne en situation irrégulière au Panama. La rencontre de ces deux femmes met en exergue l’inégalité de leur statut : en tant qu’aide à domicile, Ana Maria va se mettre au service de Mercedes. Le talent de la réalisatrice Ana Endera réside dans la subtilité avec laquelle elle construit ses personnages apparemment stéréotypés. On découvre en effet une profonde complexité dans leur histoire et leurs habitudes tout au long du film. Ana Maria, qui a perdu un enfant en couche dans le passé et dont la mère est décédée, fait croire à tout le monde qu’elle est enceinte. Quel est son rapport à la mort ? Pourquoi ce mensonge ? Il n’est pas sans rappeler Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck (avec l’immense Hafsia Herzi) pour la thématique et l’aspect lugubre du personnage principal. Mercedes, elle, oscille entre un comportement antipathique au possible et une tendresse soudaine : quelle est la part prenante de sa maladie dans cette ambivalence déstabilisante ? C’est finalement sur la solitude que ces deux femmes se rejoignent. L’isolement n’ayant apparemment pas de classe sociale, elles sont chacune à leur manière délaissée par leur entourage, ce qui explique peut être leur rapprochement…
Thaïs Rabay-Tua