La documentariste Maria Augusta Ramos accompagne ses films

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Cinélatino et La Cinémathèque de Toulouse portent leur attention sur un “autre regard”, celui de la documentariste brésilienne / neerlandaise Maria Augusta Ramos. Ses films combinent une approche observationnelle à une analyse des fonctionnements institutionnels, révélant ainsi le pouvoir à l’œuvre sous la surface de la vie quotidienne, tout en ne sacrifiant rien à la forme, épurée, musicale et nette.

Vous pourrez découvrir sa trilogie sur la justice (Justiça – 2004, Juizo – 2007,, Morro dos Prazeres– 2013). Dans O Processo (présenté à Berlin), María Augusta Ramos saisit “l’effondrement des institutions démocratiques comme un drame antique” (Mediapart), que représente le processus de destitution de Dilma Roussef. Elle a reçu en 2013 le prix de la fondation Helsinki pour les droits de l’homme en récompense de l’ensemble de son œuvre.

La réalisatrice sera à Toulouse pour accompagner ses films dont le dernier, Não toque em meu companheiro [Touche pas à mon pote].

Une programmation réalisée en coproduction avec La Cinémathèque de Toulouse et en partenariat avec DOC-Cévennes, La Cinémathèque documentaire et La Cahiers du cinéma.

 


 

Maria Augusta Ramos

Primé aux festivals de Berlin et Visions du Réel (mais pas seulement) en 2018, O Processo (Le Procès), qui nous entraîne dans les coulisses de la procédure de destitution de Dilma Rousseff, aura marqué l’année 2018, autant que l’élection de Jair Bolsonaro quelques mois plus tard de cette même année. C’est que Maria Augusta Ramos nous plongeait au cœur d’une machine politique qui avait tous les attributs d’un drame. Celui de la démocratie. Une tragédie même, tant cela ressemble à une fiction : on y voit, hallucinant, Bolsonaro réclamer au Parlement la destitution de Rousseff au nom du Colonel Ustra, tortionnaire de la junte militaire qui l’avait torturée ! Décidément, la réalité toujours dépassera la fiction. O Processo est la pierre de Rosette qui permet de comprendre comment le Brésil a pu basculer dans un conservatisme qui convoque ses plus noires années. Le film marque par son actualité. Par son acuité surtout. Mais Maria Ramos n’en était pas à son coup d’essai. Déjà Futuro Junho sorti en 2015 saisissait un premier point de bascule, sociale celle-ci, en suivant quatre personnages à la veille de la Coupe du monde de 2014 : un analyste financier, un employé de métro syndiqué, un ouvrier d’une usine automobile et un coursier. Quatre trajectoires qui, sans être amenées à se croiser, donnent une vision kaléidoscopique de la crise économique et sociale qui déjà faisait plus que menacer le pays. Maria Ramos a l’œil. Un regard perçant qu’elle pose sur la société brésilienne et ses institutions. Institutions politiques, judiciaires et policières. Ainsi avec Justiça (2004) elle suivait le procès de jeunes délinquants face à leurs juges et ces juges face aux délinquants, des deux côtés, car son cinéma n’a rien de partial. Il donne les moyens d’essayer de comprendre les situations. Juízo (2007) allait plus loin dans cette même veine en observant le traitement judiciaire de mineurs. Quant à Morro dos Prazeres (2013), il nous plongeait dans le quotidien d’une favela, « La colline des plaisirs », investie par une unité spéciale de la police. Maria Ramos y suit de nouveau plusieurs personnes, donnant à découvrir finalement davantage des portraits d’hommes et de femmes dans leur vivre ensemble qu’une mécanique institutionnelle. Et c’est bien là que son cinéma se distingue de celui d’un Frederick Wiseman, par exemple, auquel on ne manquera pas de penser de prime abord : filmer au cœur des institutions, pas de voix off, pas d’interview. Un cinéma d’observation bien que Maria Ramos semble davantage scruter qu’observer. Il y a un sentiment de mise en scène qui se dégage paradoxalement de son cinéma. Paradoxalement, parce que l’on parle ici de cinéma documentaire. Un sentiment qui passe par un sens du cadre très sûr, photographique, profondément cinématographique, et une maîtrise de la durée du plan. Un sens du plan plus proche de celui de Chantal Akerman que de celui de Wiseman. Un sentiment qui passe aussi par le montage, très imbriqué, attaché à suivre en alterné des personnes / personnages dans une structure de film choral. En regardant Futuro Junho ou Morro dos Prazeres, par exemple, on se surprend même à attendre le « truc » scénaristique qui fera basculer le film dans le drame. Tous les ingrédients sont là, les personnages, la tension, ne manque plus que le coup de pouce de la fiction. L’un pourrait être un drame réaliste, l’autre un film policier sur le mode de la chronique. Juízo, un film de prison. Seca (qui contient des parties fictionnées), film sur la sècheresse au Sertão, pourrait être un western. O Processo, un thriller politique paranoïaque. Maria Augusta Ramos possède un véritable art de la mise en scène. Et il est d’autant plus fort qu’elle travaille avec un matériau du réel. Avec le réel. Devrions-nous dire qu’elle travaille sur le réel ? Peut-être, tant son cinéma, contrairement aux premières impressions, dépasse la seule notion d’observation d’une réalité, pas pour la sublimer, mais pour lui donner une véritable incarnation. Une incarnation qui est d’abord son regard. Un regard sur la société brésilienne, bien sûr, mais un regard qui embrasse aussi le cinéma. Tout le cinéma. Ses films font tomber les barrières archaïques qui voudraient que l’on oppose toujours documentaire et fiction. On y découvre une écriture documentaire qui maîtrise totalement la grammaire de la fiction. Un cinéma qui nous confirme, s’il en était encore besoin, qu’une véritable écriture cinématographique dépasse les notions de doc ou fiction. Il y a du bon cinéma ou du mauvais cinéma. Celui de Maria Augusta Ramos est du meilleur.

Franck Lubet, responsable de la programmation

Projections & rencontre à Toulouse :
Lieu : Cinémathèque de Toulouse, 69 rue du Taur
Réservation : cliquer ici
 

Vendredi 11 juin - 18h30 | Cinémathèque de Toulouse
Maria Augusta Ramos : Un regard sur la société brésilienne
Rencontre avec Maria Augusta Ramos animée par Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse et Claire Allouche, critique aux Cahiers du cinéma

Entrée libre dans la limite des places disponibles

 

Não Toque em Meu Companheiro
de Maria Augusta Ramos (2020. Brésil. Coul. / N&b. 74 min. DCP. VOSTF)
Vendredi 11 juin à 21h | Cinémathèque de Toulouse
Séance présentée par Maria Augusta Ramos

Durant le court mandat de Fernando Collor de Mello (de 1990 à 1992), cent dix employés de banque ont été licenciés sans raison spécifique et ont passé plus d’un an à se battre devant un tribunal avant leur réintégration. Une victoire mais surtout une histoire de solidarité à mettre en parallèle avec la situation actuelle du Brésil. « Tout le cinéma est politique. Cependant, je m’intéresse, dans mon cinéma, aux questions politiques, aux relations de pouvoir, aux relations sociales et économiques, aux intérêts économiques qui régissent la société. » Maria Augusta Ramos

O Processo
de Maria Augusta Ramos (2018. Brésil / All. / Pays-Bas. Coul. 139 min. DCP. VOSTF)
Samedi 12 juin à 13h30 | Cinémathèque de Toulouse
Séance présentée par Maria Augusta Ramos
 

De mars à mai 2016, la cinéaste a filmé les débats du Congrès qui ont mené à la destitution de Dilma Rousseff, présidente du Brésil. Un scénario de coup d’État à la Kafka, restitué avec toute l’énergie d’un thriller politique. « Je n’aime pas dire qu’un film explique quelque chose. Moi, je ne fais pas de films pour expliquer une réalité. Je pense qu’une réalité est complexe, il y a plusieurs récits. Ce que je veux faire avec mes documentaires, c’est faire réfléchir le public sur la réalité qui est montrée dans le film, d’une façon plus complexe, multidimensionnelle. » Maria Augusta Ramos

 

Futuro Junho
de Maria Augusta Ramos (2015. All. / Pays-Bas / Brésil. Coul. 92 min. DCP. VOSTF)
Dimanche 13 juin à 14h | Cinémathèque de Toulouse
Présenté par Maria Augusta Ramos

Les rêves, les déceptions et les défis de quatre jeunes hommes dans le São Paulo d’aujourd’hui. Avec Futuro Junho, Maria Augusta Ramos poursuit sa description de la réalité sociale et politique brésilienne, utilisant la caméra de façon clinique et frontale. André est analyste financier ; Alex travaille dans le métro, Anderson dans une usine automobile ; un autre Alex est coursier à moto. Nous suivons chacun d’entre eux dans son quotidien, quelques semaines avant l’ouverture de la Coupe du monde 2014.

 

Morro dos Prazeres de Maria Augusta Ramos (2013. Brésil / Pays-Bas. 90 min. Coul. DCP. VOSTF)
Jeudi 10 juin à 16h | Cinémathèque de Toulouse

 

Une plongée au cœur d’une favela. Une description des ressorts intimes d’une communauté. Morro dos Prazeres, « la colline des plaisirs », est l'endroit où José Padilha a tourné son film choc Tropa de Elite en 2007. Quatre ans plus tard, à son tour Maria Augusta Ramos décrit la situation de ce territoire après l’intervention des Unités de Police Pacificatrice chargées de rétablir l’ordre dans les quartiers minés par le trafic de drogue. Mais pour mener à bien la mission, il faut d’abord gagner l’adhésion des habitants. Mais comment gagner l’aide de son ennemi ?
 

Justiça de Maria Augusta Ramos (2004. Pays-Bas. 100 min. Coul. Numérique. VOSTF)
Mercredi 9 juin à 14h | Cinémathèque de Toulouse 

 

 

Des délinquants comparaissent devant une cour criminelle de Rio de Janeiro. Carlos Eduardo, personnage central du film, né dans un bidonville et dealer depuis son enfance, s’est fait prendre au volant d’une voiture volée. Sa compagne, enceinte, s’occupe de leur fille de 18 mois en attendant le verdict. Alan Wagner, tout juste majeur, a été arrêté pour possession de marijuana et d’armes. Un troisième personnage est accusé de vol. Deux juges interrogent à longueur de journée, minutieusement, les prévenus, assistés par une avocate commise d’office…

 

Juízo
de Maria Augusta Ramos (2007. Brésil. 90 min. Coul. Numérique. VOSTF)
Jeudi 10 juin à 16h | Cinémathèque de Toulouse

 

 

Poursuivant la démarche de Justiça, la cinéaste s’intéresse cette fois au traitement judiciaire des mineurs. Pour des raisons légales, le film fait usage de la fiction d’une manière toute particulière. Si la cinéaste a pu bénéficier d’un accès rare à une institution correctionnelle, ce sont de jeunes acteurs non professionnels aux origines sociales similaires qui rejouent des audiences réelles devant de véritables avocats et juges. Complément indispensable à Justiça, Juízo observe les conséquences inévitables d’une impasse de société.