LE MONDE SELON GUZMÁN

« Le Chili était un havre de paix isolé du monde. Santiago dormait aux pieds de la Cordillère, sans aucune connexion avec la terre. J’aimais les contes de science-fiction, les éclipses de lune et regarder le soleil à travers un morceau de verre fumé », se rappelle le réalisateur chilien Patricio Guzmán, évoquant son enfance. C’est sûrement depuis cette époque que son imagination est peuplée par toutes sortes de curiosités. Cailloux, métaux, petits objets retrouvés, bruits, sensations, réminiscences, prennent vie dans ses films et deviennent les sujets centraux de la quête permanente d’une mémoire collective. Artiste obstiné, il aime dire « qu’un pays sans cinéma documentaire est comme une famille sans album de photos ». C’est peut-être aussi ce lien étroit avec l’archive et les souvenirs qui fait de son œuvre un recueil poétique-politique élégant, délicat, plein de subtilités et de mystère: « Je peux filmer avec ma caméra les ruines de mon enfance », dit le cinéaste.

Ses premiers documentaires constituent une chronique de l’histoire politique chilienne du XXème siècle et une étude socioculturelle de dimensions architecturales. De même, ils dressent le portrait d’un homme hanté par l’histoire de son pays, qui témoigne du passé et qui lutte contre l’oubli avec les armes du cinéma. Ses œuvres plus récentes, notamment sa dernière trilogie, sont des créations subjectives, intimes et personnelles dans lesquelles le réalisateur devient aussi un personnage. Le spectateur écoute sa voix, sait qu’il est présent malgré son absence dans le plan. Ses réalisations, empreintes de poésie, instinctives et sensibles, sont aussi des traces de sa mémoire. Comme un écrivain devant la feuille blanche, Guzmán écrit le récit d’une époque, dessine un mémorial et réaffirme que « le futur est dans la mémoire, dans le passé ».

Paula Oróstica

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La Película 2022