PORTRAIT DE RÉALISACTRICE

Grace Passô est une actrice. Grace Passô est une dramaturge. Grace Passô est une réalisatrice. Grace Passô est une femme noire brésilienne. Elle est un corps, elle est une voix, comme le personnage principal de son film Vaga carne (2020), cette voix désincarnée qui prend possession d’un corps étranger, un corps féminin. Elle rend les mots palpables, physiques, concrets, sur la scène de théâtre ou derrière la caméra. Elle les interroge. Elle attaque le langage en le questionnant, en le détournant. Les mots deviennent images et l’image renverse les mots. Ils s’associent, se dissocient, se distinguent, entrent en conflit. Pour Grace Passô, « la construction de l’identité est quelque chose de toujours en mouvement ».
Femme de théâtre depuis 1999, elle étudie au Centre de Formation Artistique de la fondation Clóvis Salgado à Belo Horizonte, joue dans plusieurs pièces avant de rejoindre le groupe Espanca! et de devenir dramaturge. Elle écrit alors Marcha para Zenturo, Congresso Internacional do Medo, Por Elise et Amores Surdos. Elle reçoit de nombreux prix avant de créer et de mettre en scène sa première pièce de théâtre seule, Vaga carne, en 2016.
Sans abandonner l’art dramatique, son chemin la mène peu à peu vers le cinéma. En tant qu’actrice tout d’abord. Elle joue dans de nombreux films, dont O céu sobre os ombros de Sérgio Borges, puis dans les productions de Filmes do plástico, notamment dans Temporada d’André Novais Oliveira qui a reçu de nombreux prix, dont celui de la Meilleure actrice et dans Au cœur du monde de Gabriel et Maurilio Martins. Comme André Novais Oliveira, elle cherche à « démêler, démonter, se rapprocher d’un univers de signes » pour « observer et voir […] comment écouter ce monde ».
Elle passe ensuite de l’autre côté de la caméra, en étant à la fois réalisatrice et actrice de ses propres films. Vaga carne est une adaptation de son spectacle, « une métaphore qui interroge la matière et l’existence humaine ». República est un court-métrage réalisé pendant la pandémie, dans un espace confiné. Elle interroge à la fois l’isolement provoqué par ce traumatisme mondial récent mais aussi, plus largement, l’histoire d’un pays hanté par son histoire, par les conquêtes, les colonisations. Dans cette fiction qui raconte aussi celle, territoriale et identitaire, d’un pays, elle invite le spectateur à décoloniser son propre regard.
Loreleï Giraudot

Sources : Propos recueillis par Tatiana Carvalho Costa, 20ª Goiânia Mostra Curtas – Homenagem a Grace Passô.
Interview publiée dans le catalogue de la 22e édition du Festival de Cinéma de Tiradentes (2019).
«Grace Passô: entre síntese e profundidade », Gustavo Rocha, journal O Tempo (2018).

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