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CONSERVER ET RESTAURER

La version fraîchement restaurée du film de Glauber Rocha Le Dieu noir et le Diable blond a été présentée au festival de Cannes en mai 2022.
Paloma Rocha, qui possède les droits sur l’œuvre de son père, et le producteur et cinéaste Lino Meireles ont été convaincus de l’urgence de la restauration du film.
Au cours des 40 dernières années, la fille de Glauber a mené des recherches sur l’œuvre de son père et travaillé sur sa collection. Elle constate que « Beaucoup de gens pensaient que le film avait été restauré parce qu'il était sur DVD, mais cette copie n'a jamais été soumise à une post-production numérique. La copie originale est toujours disponible, donc grâce à la technologie et aux experts disponibles aujourd'hui, nous pouvons faire la meilleure restauration possible. » Il existe cinq boîtes de pellicules 35 mm conservées à la cinémathèque brésilienne et la copie initiale, négative, est pratiquement sans défaut. Paloma et Lino ont d’abord pensé réaliser l’ensemble de la restauration avec la Cinemateca, mais en raison des années de négligence et de coupes budgétaires par le gouvernement fédéral, il est devenu impossible de mener à bien un projet de cette ampleur dans la maison même du cinéma brésilien. Ainsi le travail a été confié pour l'image aux studios de post-production CineColor et pour le son au spécialiste José Luiz Sasso, de JLS Studios. Pour la coloration et l’éclairage, l’équipe a fait appel à Luís Abramo avec le coordinateur de la Cinemateca, Rodrigo Mercês. « L'une des premières étapes de la restauration a été l'étude des boîtes de films que la Cinémathèque avait conservées. Quelques mois avant que le gouvernement brésilien ne la ferme, l'équipe a projeté une copie 35mm originale à la Cinémathèque elle-même, en présence du cinéaste Walter Lima Jr, qui était l'assistant réalisateur de Glauber. »
Ensemble ils ont débattu de l’éthique et des techniques de la restauration. La perspective déjà postmoderne du film, la caméra à la main, la lumière naturelle, l’utilisation d’acteurs non-professionnels, les dialogues improvisés se combine avec un ancrage dans les tempêtes des crises nationales – insatiabilité de propriétaires terriens, autoritarisme politique qui persécute ceux et celles qui le dérangent, pouvoir religieux qui tisse la toile de la corruption, démagogie qui fait de la société l'otage de l'ignorance. Ce qui résonne tellement fort avec le Brésil d’aujourd’hui !
L’équipe coordonnée par Paloma Rocha a cherché à être fidèle aux normes techniques. Renato Merlino, coordinateur de la restauration numérique, était chargé de définir et d'établir ce qui était possible dans ce processus : « À la demande de Paloma, nous n'avons pas filtré les images par des corrections numériques. Nous n'avons pas interféré avec les plans et le cadrage originaux. »
Avec un processus de restauration qui vise essentiellement à préserver la mémoire du film, l’esthétique de Glauber Rocha, inventive et subversive, se trouve à nouveau sous les yeux des spectateurs du XXIe siècle.
Marie-Françoise Govin

Source : Dossier de presse, Le Dieu noir et le diable blond. Primeiro Plano et Ana Luiza Muller.


Incendie de la Cinemateca brasileira

29 juillet 2001, un incendie a détruit un entrepôt de la Cinemateca brasileira à Saõ Paulo. Il abritait des copies de films, dont de nombreuses rares et parfois en meilleur état que les originaux. Deux mille exemplaires de films ont disparu. En outre, quelque quatre tonnes d’écrits issus des archives des institutions publiques qui ont construit le cinéma brésilien depuis soixante ans sont parties en fumée. Ces documents étaient en voie de numérisation avant la brutale fermeture de la Cinémathèque. En juillet 2021, le cinéaste Kleber Mendonça avait dénoncé début juillet auprès de l'AFP à Cannes le «sabotage du système de soutien à la culture» et la fermeture de la Cinémathèque. «C'est comme si le pays n'avait plus d'album de famille. Ce n'est pas seulement un lieu de dépôt. C'est un lieu vivant, avec la mémoire du pays».
Également partis en fumée, des objets destinés à un futur musée du cinéma (comme des zootropes) ainsi que des copies de films, brésiliens et étrangers.
« L'incendie de la Cinémathèque de São Paulo est un crime contre la culture du pays. Le mépris pour l'art et la mémoire du Brésil conduit à ceci : la mort progressive de la culture nationale », a affirmé le gouverneur de Saõ Paulo, João Doria.
Les Cahiers du cinéma ont diffusé la traduction d’une lettre ouverte signée par plusieurs cinéastes brésiliens publiée dans Le Monde diplomatique Brésil. Ils et elles y expriment leur tristesse, leur colère et leurs revendications.

Source : https://www.cahiersducinema.com/actualites/cinemateca-entre-le-desert-et-le-mirage/